
Dany Caron est lui-même passé par le processus d’acquisition en devenant l’un des actionnaires de Portes Baril. Aujourd’hui, il est dans une situation inverse alors qu’il a amorcé sa réflexion de cédant.
Patrick Charette, lui, n’en est pas à sa première reprise puisque Groupe Excelpro mise sur une croissance par acquisition. Le groupe dont la maison mère se trouve à Trois-Rivières possède huit places d’affaires un peu partout au Québec et une en Ontario.
Annie Lajoie et son conjoint, Rémi Gauthier, sont devenus les heureux propriétaires en janvier 2021, en pleine pandémie, de Produits Proflex, basée à Drummondville et fondée en 1995. Même si la transaction peut sembler encore récente, le couple commence à réfléchir à la suite. «Ce n’est pas pour demain matin, mais il faut commencer à y penser», laisse-t-elle tomber.
Quant à Camille Dion, de Drummondville, elle a repris le flambeau d’une entreprise de Québec, Mégatex. Aujourd’hui, elle et son conjoint, Jean-Luc Joyal, sont à la recherche de la perle rare qu’il pourrait reprendre et faire grandir au Centre-du-Québec. Pour y arriver, ils n’ont d’autres choix que de se tourner vers leur réseau élargi, car le marché des opportunités de repreneuriat est plutôt opaque. Les entreprises à vendre ne s’affichent pas aussi facilement que les maisons à la recherche de nouveaux propriétaires!
Des acquisitions pour augmenter la capacité
Pour Patrick Charette, la volonté de faire de la croissance par acquisitions provient de son objectif d’augmenter la capacité technologique et intellectuelle dans son domaine qu’est l’automatisation et l’électricité industrielle, en plus de pouvoir atteindre de nouvelles industries. L’entrepreneur souhaitait être le premier de son secteur à aller de l’avant dans la consolidation. De cette façon, une fois entré chez les clients avec des services en automatisation, il peut amener l’électricité, les panneaux de contrôles et autres services en robotique ou vice versa.
Dans les huit entreprises acquises, une seule était affichée à vendre. Les autres n’étaient pas dans un esprit de vouloir céder. «On a ciblé les joueurs sur le marché qu’on connaissait (…) Je dis souvent que ça ne coûte pas plus cher qu’un coup de téléphone! Donc j’ai pris le téléphone, je les ai appelés, puis je leur ai offert d’aller prendre un lunch avec eux», raconte-t-il.
Quelques années se sont écoulées entre le premier lunch avec la première entreprise approchée, AIA Automatisation, et la transaction finale. Entre-temps, deux autres acquisitions ont été conclues. Il n’y a pas eu que des oui; souvent des non. Mais lorsqu’il se faisait répondre par la négative, Patrick leur parlait quand même des avantages possibles. L’idée faisait son bout de chemin. «Je crois vraiment que les meilleures transactions se font quand l’entreprise n’est pas vraiment à vendre. Car lorsque l’entreprise est à vendre, il se met à y avoir plusieurs joueurs sur le marché et «money talks». Mais dans une transaction, ce n’est pas juste l’argent qui compte. J’aime cette relation de «one on one». On gagne ensemble.»
Pour être en affaires en couple
Pour Annie, l’idée d’avoir une entreprise venait du désir de travailler avec son conjoint pour une même organisation. Ils avaient goûté à ce plaisir il y a plusieurs années et trouvaient un moyen de refaire l’expérience. Or, ce n’est pas toutes les entreprises qui acceptent d’embaucher un couple.
Lui avait un important bagage du côté opérationnel et en développement des affaires et, en ressources humaines, santé et sécurité ainsi qu’au service à la clientèle. Ils étaient complémentaires et faisaient une bonne équipe. «On s’est dit que si un jour on voulait travailler ensemble et mettre à profit nos compétences, il fallait se partir une business ou en acheter une.» Après avoir analysé la possibilité de reprendre un terrain de camping, ils ont finalement regardé du côté manufacturier. Il faut dire qu’ils ne partaient pas de zéro dans le domaine!
De bouche à oreille, ils ont su que des propriétaires d’une entreprise de Drummondville étaient à la recherche d’une relève. Grâce à une personne de leur réseau, ils ont été mis en contact avec eux. Un «fit» a été constaté rapidement, puis ils ont élaboré leur plan de match qui a abouti à la transaction. Bref, c’est lorsqu’ils ont pu commencer à en parler ouvertement que tout a débloqué, et ce, assez rapidement.
Jeune couple cherche entreprise à vendre
Camille et son conjoint sont à la recherche depuis un peu plus d’une année d’une entreprise à vendre. Si la première acquisition de Camille s’est tait très rapidement, ce n’est pas aussi facile d’en dénicher une seconde.
Puisque Jean-Luc qui a de l’expérience comme directeur d’usine et en développement des affaires et que Camille œuvre aussi dans l’industriel, les deux souhaitent reprendre une entreprise du secteur manufacturier. Ils en parlent à leur réseau, à des comptables, à des banquiers, au CTEQ et à chaque occasion de réseautage. Ils figurent aussi sur des listes de repreneurs potentiels. Parfois, l’entreprise proposée ne cadre pas avec ce qu’ils recherchent. Parfois, les attentes des vendeurs ne sont pas réalistes. Celle qui est propriétaire de Mégatex a toujours su qu’elle ne s’arrêterait pas à une seule entreprise et qu’elle en aurait d’autres. Elle continue de garder espoir et de passer le mot.
L’importance du réseau
En ce qui concerne Dany Caron, il avait des paramètres prédéfinis. Il était à la recherche d’une entreprise manufacturière détenant une propriété intellectuelle ou, du moins, en mesure de commercialiser ses propres produits et il visait le Centre-du-Québec. À l’automne 2014, il en a visité pas moins de neuf. C’est finalement son comptable qui l’a référé aux associés de Portes Baril. Selon lui, la clé est de parler de son projet ouvertement.
Quels étaient leurs prérequis ?
Pour chaque acquisition potentielle, les prérequis incontournables pour Patrick et Excelpro sont liés à la culture d’entreprise et les valeurs. Si, dès le départ, il ne ressent pas de «fit» avec les gens avec qui il discute, il laisse tomber. «Si tu ne le sens pas, tasse-toi de là et tu vas trouver quelque chose d’autre!» Il accorde également une grande importance à savoir qui sont les employés clés, ce qu’ils font, s’ils prévoient rester et s’il doit s’engager auprès d’eux. «Des fois, on regarde les chiffres et encore les chiffres; on regarde les clients; on regarde les ventes et on regarde les territoires. Mais la base, c’est les gens qui vont être là.»
Annie et son conjoint cherchaient une entreprise de moins de 25 employés qui avait un potentiel de croissance important. Ils souhaitaient également avoir une équipe en place solide, partageant de belles valeurs. «C’était non négociable. Pour le reste, on se l’est approprié», a-t-elle témoigné en ajoutant qu’ils s’étaient dit dès le départ qu’ils allaient prendre sous leur aile la mobilisation des employés et y mettre leurs couleurs. Un autre des critères était que l’entreprise devrait être attrayante la journée où ils voudraient la vendre.
Pour l’acquisition de Mégatex, Camille n’avait ni visité, ni rencontré les employés et elle n’avait aucune idée de la culture d’entreprise. Elle se promet qu’elle ne procèdera pas de la même façon pour la prochaine. «La culture d’entreprise et les valeurs, ça se change, mais ça prend un bon travail de bras», a-t-elle mentionné. Jean-Luc et elle recherchent, eux aussi, une entreprise avec un bon potentiel de croissance et dans le secteur manufacturier. «C’est dans ce secteur qu’on est le plus confortable et qu’on a le plus de valeur ajoutée.»
Entreprises à vendre, où êtes-vous?
En décembre 2024, 11.8 % des entreprises touchant le secteur manufacturier avaient une intention de léguer leur entreprise dans les 12 prochains mois. «Quand on entend les statistiques, on voit qu’il y a beaucoup d’entreprises à vendre. Mais ce n’est pas vrai qu’il y a des banques de noms d’entreprises et de longues listes à partir desquelles on peut magasiner. Ce n’est pas comme ça que ça se passe», déplore Camille tout en saluant l’événement des MMCQ puisqu’il s’agit d’un moment idéal pour côtoyer des gens du réseau.
Elle comprend que l’annonce de la mise en vente d’une entreprise peut causer de l’incertitude auprès de la clientèle et des employés. «Mais comment les entreprises pourront-elles se vendre si elles ne sont pas affichées? Comment faire pour que ces entreprises qui veulent céder puissent être dans un réseau qui, en ce moment, est opaque? Comment faire plus de maillages et faire en sorte que plus d’entreprises s’affichent auprès du CTEQ ?»
«On a peut-être un projet de start-up ! Le Tinder des entreprises!» a lancé Dany Caron, à la blague, pour conclure le panel.